
Ma famille ne compte malheureusement plus de témoin de la 2e guerre mondiale. Aucun contemporain de Louis Pouneau ne peut donc brosser son portrait. La seule photographie dont je dispose de lui montre le visage d’un adolescent de 14 ans, parmi tous les invités du mariage de sa cousine Suzanne avec son Louis, mes futurs grands-parents.
Les états de services du « cousin Pouneau » en tant que résistant lèvent un coin du voile sur son histoire. Celle d’un jeune homme qui a grandi dans le chaos d’un bourg occupé par l’Allemagne nazie et qui a choisi de se battre pour une liberté dont il n’a pu profiter.
Grandir dans la France occupée
Louis-Marie Pouneau est né à Liré (aujourd’hui Orée d’Anjou) dans le Maine-et-Loire, le 18 juin 1924. Il fête donc ses 16 ans lorsqu’à la radio le Général De Gaulle exhorte les Français à s’unir et garder espoir malgré la capitulation de la France. Il a 16 ans également lorsqu’il apprend que le mari de sa cousine Suzanne ne reviendra pas de sitôt : comme des milliers de soldats faits prisonniers celui-ci est envoyé en Allemagne, à la fois otage politique et main-d’œuvre bon marché.
On ignore comment Louis réagit. Tout acte de résistance devient rapidement une action terroriste aux yeux des autorités françaises et allemandes. Les sabotages entrainent une répression de la population civile. Chateaubriant, où 48 otages sont fusillées en octobre 1941 n’est pas si loin.
Au cours de l’année 1942, la résistance s’organise et trois mouvements s’implantent en Anjou.
Combattant de l’ombre
Louis intègre le réseau Libération Nord en octobre 1943 et prend le pseudonyme de Penot. A l’été 1944 sa mission consiste à déminer les ponts de Varades et Champtoceaux. Ces axes de passage au travers de la Loire sont en effet piégés par les Allemands, sans doute pour retarder l’avancée des alliés. Louis est arrêté par les gendarmes de Bouzillé le 11 juillet et remis le lendemain aux Allemands. Ceux-ci l’incarcèrent d’abord à Cholet puis à la prison du Pré-Pigeon à Angers où l’on sait que de nouveaux résistants ont été torturés. Le 1er août Louis est transféré au camp de Royallieu à Compiègne. Le 17 août il fait partie d’un convoi pour Buchenwald. Il y arrive le 20 et reçoit le matricule 81213. Après une période de quarantaine, il intègre le block 10 du grand camp. Il n’y reste que quelques jours car dès le 6 septembre on l’envoie travailler en kommando.
- D’abord celui de la Steinbruch (la carrière)
- Puis celui de Neu Strassfurt où les prisonniers doit creuser les salles d’une ancienne mine de sel souterraine en vue d’y aménager une usine d’armement.
- Le 15 février 1945 il est envoyé construire des chars dans une usine de l’entreprise Walzer.

Baraquements du camp de Royallieu à Compiègne (Par P. Poschadel, source Wikipedia)
Une marche de la Mort
Mais face à l’avancée des forces alliées, les Allemands évacuent camp et kommandos. Le 11 avril 1945, Louis Pouneau et ses camarades sont jetés sur les routes pour une marche forcée de près de 400 km. S’est-il rebellé contre cette « todesmarsh », cette marche de la mort ? Souffrait-il de maladie ou d’épuisement ? Toujours est-il qu’un SS l’abat sur la route, quelque part entre Kossa et Oberaudenhain le 16 ou le 19 avril, suivant les documents. Il n’aura pas eu le temps de devenir majeur.
Environ un mois plus tard, mon grand-père retrouvait son épouse et reprenait sa vie à Liré après 4 ans de stalag. Au sein de la même famille et comme partout en France, les sentiments de joie, de deuil se mêlaient. Le goût de la liberté retrouvée rendu amer par le prix qu’il aura fallu payer.
Louis- Marie Pouneau a reçu la médaille de la résistance à titre posthume (décret du 05/01/59). Par arrêté du 3/11/1997, la mention « mort en déportation » est apposée sur les actes et jugements déclaratifs.
Archives disponibles au service historique de la Défense :
- Vincennes GR 16 P 488667
- Caen AC 21 P 527486
Pour en savoir plus sur les conditions de vie des résistants déportés :
Compiègne : https://www.resistance60.fr/1943-camp-de-transit
Buchenwald : https://asso-buchenwald-dora.com/les-temoignages/
Neu Stassfurt : https://www.amicale-deportes-stassfurt.com/